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 Les anges ne naissent pas au Paradis

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Sed Plume
Bourgeon Naissant
Sed Plume


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MessageSujet: Les anges ne naissent pas au Paradis   Les anges ne naissent pas au Paradis EmptyLun 18 Fév 2008, 16:34

Les anges ne naissent pas au Paradis

Par Setdlags C. Feather

L'histoire d'une vie. Qui se permet de dire que son histoire n'appartient qu'à une vie ? L'homme seul sur une île déserte. Et encore ! Sa vie croisse d'autres vies. On n'écrit pas notre histoire, on écrit l'Histoire.

De nous dépendent d'autres vies.

La vie.

S. C. Feather



Les anges ne naissent pas au Paradis Image1mm0



PARTIE 1



- 1 -



Au premier abord, Lecram n'était qu'un village tranquille du Nord de la Hollande qui se mourrait au fur et à mesure que ses habitants le quittaient. Ce n'était pas un lieu touristique et les voyageurs ne s’y rendaient pas pour admirer les remarquables variétés de fleurs qui poussaient aux abords des routes ni pour remarquer l'architecture ancienne et raffinée qui ornait les maisons de Lecram.

Ce village de moins de cent habitants ne passait jamais au journal télévisé. Il était peu connu, de tel sorte que les habitants se sentaient comme exclus de leur propre pays et qu’ils vivaient dans une autarcie effrayante pour un vingtième siècle. Le jeune qui partait vivre dans la ville était ensuite considéré comme un pariât, l’homme qui allait voir la police hors du canton était rejeté de tous, et si une femme se mariait avec un homme qui n’était pas du village, elle devenait la putain du quartier.

Ce village avait aussi la particularité de comporter en son sein deux des familles les plus aisées du pays de la Hollande qui contrôlaient le village avec un souffle de tyrannie effrayant.
La première de ces familles, les Duviel, était issue d'anciens nobles déchus français. Pendant la révolution française, ils s’enfuirent dès les premiers signes de dangers et ils s’installèrent dans ce petit village. Louis-Henri Duviel rejeta le sang royal qu’il avait, de peur de voir son destin être lié à celui de son cousin Louis XVI, et il fonda un empire de la prostitution, de la drogue, et plus tardivement se lança dans le rachats de laboratoires : la science commençant sa fulgurante progression. Depuis lors, les Duviel vivent à Lecram.
La seconde famille, les Jones sont des nobles allemands. Pendant la seconde guerre mondiale, ils ont usés de leur influence pour faire arrêter des rivaux en affaires qui utilisaient leurs transports pour aider des familles juives à s'enfuir en Angleterre. A la fin de la guerre, pour éviter d'être jugé pour leur implication dans les rafles, ils se réfugièrent dans un château se trouvant à Lecram qui avait acheté pour séjourner en vacance. La justice allemande finit par les graciés mais le grand-père se sentait si bien, dans ce village, à faire la guerre aux Duviel, qu'il resta en Hollande. De plus, il n'était pas envisageable de revenir en Allemagne, leur ancienne demeure avait été pillé : revenir aurait été signé leur arrêt de mort dans une Allemagne déchiré en deux parties.

Les Jones et les Duviel ont rapidement étaient des familles rivales qui firent de Lecram une petite Corse Française aux nombreuses vendettas. Elles se firent la guerre. Sans relâche, et sans raison, elles utilisèrent tous les prétextes pour maintenir cette guérilla interne au village sans ne jamais être dérangé grâce à l'éloignement du village et à son mutisme quand à leurs affaires. Il y eut de nombreux morts dont le nom finit simplement par disparaître. A l'époque ce n'était pas rare : l'afflux d'Allemands et de réfugiés ne permettaient plus de tenir à jour les registres.
Cette guerre dura jusqu’à la troisième génération qui grâce à un accord commun mit fin aux querelles sans pouvoir la stopper. Trop de rancœur, de rage, et de colère s’étaient accumulés au fil des années. Des êtres chers étaient morts dans les deux camps, et le sang de ces enfants souillant leur terre d’accueil signalait déjà que cette trêve ne durerait qu’un temps.


Le paysage pour arriver au village sillonnait de chemins et de petits chantiers joliment dessinés dans le flan d’une colline à peine visible tant elle s’élevait peu par rapport au sol. Il n’y avait que des champs, et sur les cartes du monde, le nom du village ne s’y trouvait plus, à la place se trouvait un vide ou un flou dissimulait l’emplacement.
Il n’y a que deux chemins pour atteindre réellement le village. Celui situé au sud-est, et au sud-ouest.
Lorsqu'on arrive du sud-est par la N502, on peut admirer à la droite de la route, un ancien moulin qui servit d'abris pendant les dernières inondations. Sur la gauche, des champs aux couleurs gais enchantent le cœur du voyageur. Par l’autre chemin, la route est moins colorée. Elle est bordée par un mur épais où aucune indication n’explique ce qui se trouve à l’intérieur. L'étranger qui voudrait se rendre à Lecram se perdrait facilement entre tous les chemins de terrain qui y conduisent.
Sur les deux routes, aucune indication précise ne donne l'emplacement du village à l'exception de quelques panneaux à l'orientation hasardeuse et souvent trompeuse. Perdu près d'une petite forêt le village n'apparaît aux yeux des conducteurs qu'après avoir monté la petite colline qu'il faudra redescendre pour atteindre Lecram. On y vient à voiture et sur les chemins raboteux, on y abîme les roues. Les villageois râlent mais ils ne demandent aucun changements, trop amoureux de leur paisible village qui n'attire pas les touristes.
Lorsqu'on s'approche du village, une odeur de lavande à peine perceptible charme ou agace le visiteur.

Le maire de la ville, Mr Van Lester redoutait les étrangers et quand l'un d'entre eux venait se renseigner après être tombé amoureux du paysage, il les décourageait à venir vivre sur sa terre. Il y avait six commerces dans le village : un coiffeur, trois bars, un restaurateur de meubles anciens et une superette vendant tout ce qui est capable d'être vendu. Il n'y avait cependant pas le moindre hôtel, ni la moindre auberge. Les villageois étaient hostiles, râleurs, ils n’aimaient guère les inconnus, et si cet inconnu devenait curieux, les villageois rentraient dans leurs maisons et fermaient leurs volets colorés.

Souvent, les visiteurs stoppaient leurs voitures, à un des rares feux de Lecram, et ils remarquaient alors surprit deux résidences de ce village. Au premier coup d'œil, il ne les aura pas remarquer trop distrait par le charme des simples maisons aux toits rouges ou bruns, des commerces aux façades colorées, et des rues décorés subtilement et harmonieusement. Et soudainement, assit dans sa voiture, il les verra : les deux châteaux qui se font face. L'un en face de l'autre, séparé par le village et le bois l'entourant, comme une barrière réelle entre des histoires irréelles. Si l'étranger n'était pas un rêveur, s'il était pressé, ou s'il n'avait jamais souffert, alors il continuera sa route. A peine étonné de sa surprise d'avant.
Au contraire, si l'homme était un grand rêveur, s'il avait son temps et savait le prendre, et s'il avait un jour souffert, il comprendra l'importance de ces deux demeures. Elles étaient là, se faisant faces, se regardant, comme deux femmes fatales qui attendraient la prochaine tempête pour voir qui des deux vaincra. La première d'un style de la renaissance française, et la seconde plus grande mais aux formes plus bâtardes et moins raffinées.
Si le visiteur était curieux, il décidera alors de visiter l'une des maisons. Il le ferra sans aide car aucun des villageois ne répondra à ces questions. Ni les enfants jouant à la corde et aux billes, ni les adultes fumant la pipe devant un jeu de cartes et un verre de vin.

En fonction du chemin habituel du Sud-est du village, l’étranger prendra le chemin de droite, le plus souvent : le château de renaissance semblant moins loin et plus beau. Il ne serra pas alors que ce n'est qu'un effet d'optique, le chemin du château de droite est bien plus long que l'autre. Bien plus dur aussi. Il n’est que détour et contour dans la forêt, que petit chantier, et la route est mal entretenue. (A-t-elle été ne serait-ce qu’une fois entretenue ?)
L'étranger mettra un quart d'heure pour en venir à bout, et lorsqu'il serra devant les grilles forgés à l’ancienne, il restera un instant stupéfait de voir que le chemin conduit à une route cimentée et goudronnée à la perfection. Derrière un mur épais, un énorme parking permettrait à un petit avion privé de se poser tant l’espace est grand.
La grille en elle-même est jolie, entre le bronze et l’argent, elle est sculptée de petits personnages moqueurs tenant chacun un trèfle dans la main droite.

Avec un peu de chance, le visiteur rencontrera un domestique devant les portes. Ils seront facilement reconnaissables, habillé d’un bas noir, et d’un haut blanc, ils sembleront surgir de l’ombre et feront sursauter tous les visiteurs. Ce dernier l'invitera à rentrer car il est de tradition chez les Duviel d'inviter les inconnus à s'abreuver avant de repartir seul dans la forêt.

Si cet inconnu vient le soir du jeudi 11 juillet 2005 il verra sur une terrasse donnant droit sur le parking des silhouettes assises. Il entendra la musique, les rires des invités et le parking habituellement vide serra remplit de voitures luxueuses où quelques chauffeurs fumant une clope discutent avant de rejoindre la salle destinée aux domestiques.



Les anges ne naissent pas au Paradis Paysbascartekk4
Carte : 1, Carte de la Hollande par Paul Leblanc
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MessageSujet: Re: Les anges ne naissent pas au Paradis   Les anges ne naissent pas au Paradis EmptyLun 18 Fév 2008, 16:42

- 2 -



La demeure des Duviel était un château emprunt aux styles de la renaissance. Chaque façade était harmonieusement symétrique de telle sorte qu’une photographie prise dans un angle parfait et coupée en son milieu n’aurait comportée que deux reflets aux décors cependant différents. Deux grandes portes et de nombreuses fenêtres laissaient passer les lumières naturelles du jour et de la nuit. A l’entrée, six colonnes blanches sculptées à la mode Pierre Lescot rappelaient l’ornement de celles Louvre. Le parvis en marbre blanc comportait trois marches qui permettaient d’accéder à des portes en vieux bois de chênes.
La demeure comportait deux étages et une cave. Il y avait également des bâtiments annexes qui avaient été construit au fur et à mesure des besoins des occupants : en 1947 : un bâtiments pour le travail avait été commencé dans le jardin Nord, il serra terminé en 1953. En 1953, une dizaine de maisons furent battis dans le jardin Est pour faire vivre les employés hors de la demeure, et en 1965, un bâtiment consacré aux arts et aux sports fut rajouté au Nord. En 1982, R.H. Louis ne supportant plus son enfant de deux ans, fit bâtir à l’est une maison où son enfant passait ses journées en compagnie de ses nurses, puis plus tard de ses précepteurs.

La demeure principale avait entièrement était refaite. Le rez-de-chaussée était extraordinaire : tout l’intérieur reflétait la luxure sans la moindre parure. L’endroit ne semblait pas être un lieu d’habitation mais un hôtel luxueux. Les salles avaient de grandes ouvertures en forme d’arche sans aucune porte à l’exception des six toilettes, de la cuisine, et du bureau de Louis. Les toilettes elles-mêmes étaient spacieuses. Elles ressemblaient à celles des grands restaurants, avec deux murs avant de pouvoir entrer dans une large pièce où deux toilettes étaient disponibles.
L’immense salle ouverte était partagée en zones selon la convenance de l’instant.
Dans le temps, cet endroit était bien différent. Il n’y avait que des petits couloirs et le logement pour les domestiques. A cause du froid venant de la mer, les propriétaires vivaient principalement dans les étages. Seulement Louis avait tout fait changer : il voulait de l’espace, de la lumière, du moderne. L’égocentrisme de l’homme lui donnait des envies de miroirs sur chaque mur, de larges fenêtres, et de couleurs vives et chatoyantes ce qui n’était pas du goût du père de Louis : Henri, ni de son fils : Raphaël. Les deux aspiraient à une demeure sans fard ni paillette mais pour des raisons différentes.

Les anges ne naissent pas au Paradis Image2zo5
Plan 1 Demeure Duviel


Ce soir la fête battait son plein. Le maître des lieux fêtait son sixième mariage, son cinquième divorce et son cinquantième anniversaire. Pour cet événement, R.H. Louis avait invité trois cents convives qui s’amusaient au flot du champagne et du vin, et qui discutaient en riant.
R.H Louis était un homme d’une incroyable force. Grand de taille aux larges épaules, il avait un sourire séducteur et un impitoyable sens des affaires. Sa jeune épouse de 21 ans, Levdokia, brillait de bonheur en soulevant son verre de champagne pour faire signe aux invités de commencer à boire. Elle souriait faisant rayonner son éclatante dentition blanche.
Les convives étaient souriants. Ils dansaient, bavardaient et discutaient sans gène sachant que ce lieu était propice aux affaires secrètes et que cette fête serait l’occasion de ce faire bien voir aux yeux d’un baron de la drogue. Seul Henri le père de Louis âgé de soixante-quinze ans demeurait silencieux, assit dans un coin de la pièce, il grommelait sur la vie lubrique de son fils.

Après quelques danses, Louis se rapprocha de sa ravissante épouse et dans un russe affreusement bafoué lui signala qu’il devait s’absenter. Elle fit signe qu’elle comprenait et l’homme partit dans les cuisines.
A peine son pas eut-il franchit le lieu et qu’il eut refermé la porte que son visage se transforma, ses cils se fendant en un V fâché, et son regard pénétrant fusilla ses employés grouillant pour servir les repas qui cessèrent toutes activités :
- Où est Raphaël ? Articula-t-il en néerlandais les yeux brillants de rage.
- Monsieur, nous n’en savons rien.
- Et pourquoi cette femme est-elle là ? Demanda de nouveau l’homme en pointant du doigt une jeune fille brune assise sur une chaise.
- Monsieur, elle est une amie de Raphaël. Répondit de nouveau l’employé.

La jeune fille en question ne semblait pas se rendre compte du monde qui s’était soudain mit à s’intéresser à elle. Elle continuait d’écrire sur un ordinateur portable. Elle n’était pas à ce point blasé pour ne pas répondre quand on lui parlait, elle ne comprenait simplement rien à ce qu’ils disaient. Louis et les domestiques parlaient néerlandais et elle ne comprenait que le français. Elle se nommait Prune Veervanspel et n’avait vécu qu’en France malgré son nom aux résonances étrangères. La dispute ne l’effraya donc point jusqu’à ce que l’homme donne un coup sur la table près d’elle en hurlant.
- Vous ! Qui êtes-vous ? Aboya Louis.
- Je … Je suis … Arrêtez vous me faite peur !, répondit la jeune fille qui avait sursauté.
L’homme se radoucit en entendant le son de la voix.
- Vous faîtes partis du groupe de français que mon fils a conduit ici ? Demanda-t-il en français.
- Oui.
- Est-ce que la soirée vous plait ?
- Je … Je ne sais pas.
- Elle vous ennuie, n’est-ce pas ? Quand j’étais jeune, elles m’ennuyaient aussi. Mon père m’obligeait à de longues préparations. C’était tellement ennuyant de devoir sourire à des étrangers. Il me prévenait de ne pas m’enfuir mais dès la première danse je partais dans …
- le jardin, coupa une voix plus jeune et plus froide, et je regardais les enfants des employés jouer en espérant que l’un d’entre eux allaient me proposer de jouer. Et qu’est-ce que cela apprend-t-il de la vie ? Cela apprend qu’on ne doit rien attendre de personne et que ce n’est que par ses propres moyens qu’on s’impose.
- Mon fils.
- Oubliez le fils. Vous êtes pathétique et foutez-moi la paix.

Le cinquantenaire regarda son fils avec une once de mépris que celui-ci reçu sans aucune honte. Il eut un sourire moqueur, et tendit la main vers une corbeille de fruit pour se saisir d’une pomme dans laquelle il croqua. C’était un homme plus grand encore que son père, aux cheveux bruns quasiment noirs, et ses yeux sombres auraient pu lui donner un air de corbeau s’il n’avait pas eut tant de charisme et de beauté dans le corps. Il était habillé d’un costume auquel la cravate était déjà à moitié détachée. Il affichait un air à la fois dédaigneux et présomptueux qui effrayait la plupart du temps.
La jeune fille en avait un peu peur. Il se nommait L.H Raphaël, et tout le monde le surnommait Ralf, si ce n’est les domestiques et la parenté proche. Il avait beaucoup de connaissances mais peu d’amis de son âge et il vivait une vie de débauche que son père ne cautionnait pas. Il était également un des plus jeunes diplômés en chirurgie d’Hollande qui avait fait ses études en Amérique. Pour une raison inconnue, il refusait de parler anglais ou américain depuis une dizaine d’années.
- Ralf ! Ton père semble vraiment inquiet.
- Inquiet ? Bien sûr ! Si je meurs qui prendra la grande succession ? Pathétique.
- Raphaël, sois prêt dans dix minutes. Et refais ta cravate ! Ordonna Louis en néerlandais.

Prune eut un petit sourire désolé mais au fond d’elle-même elle se demanda comment un fils pouvait aussi mal traiter son père. Raphaël ne sembla pas s’en rendre compte, il n’échangea plus un mot avec son père qui quitta la pièce, alors qu’il tournait lui aussi les talons. A le voir ainsi, Prune lui donnait déjà trente ans, mais l’homme n’en avait que vingt-quatre et il était d’une nature tellement renfermé et distant qu’il était impossible pour la jeune fille de lire en lui.
- Prune, je t’avais dit de prévenir Stéphane si tu quittais la salle !
- Mais j’avais besoin d’une prise électrique ! Et puis, se plaignit-elle, je m’ennuyais et j’avais mal la tête !
- Justement ! Qu’as-tu dans la tête ? S’emporta sur un ton calme le hollandais. Ce n’est pas qu’un mariage c’est aussi des tonnes d’imbéciles qui se pavanent en …
- Tu es méchant.
- OUI ! Je suis méchant !

Raphaël aurait aimé se formaliser un peu plus : elle devait comprendre qu’elle mettait les pieds dans le monde de l’hypocrisie. Seulement les larmes de la jeune femme, ainsi que ses petites sanglots, lui firent perdre sa colère qui se changea en culpabilité. Il n’était pas doué avec les relations humaines : sinon il se serait occupé de l’esprit pas du corps. Il ne tenta pourtant pas de s’excuser, croissant les bras et laissant sa voix claquer comme un vent froid :
- Retourne voir Stéphane, et ne le quittes pas ! Où est Yann ?
- Je ne sais pas moi ! Tu m’énerves !

Stéphane n’était pas n’importe quel homme de confiance : il était un des garde du corps de Raphaël qui le connaissait depuis son enfance. Avec un grand sérieux il disait qu’il avait tenu la chandelle lors des premiers ébats du garçon, et qu’il était là à l’école primaire pour veiller à ce qu’il ne parle pas en classe. C’était la vérité. Le fils de Stéphane qui travaillait dans le domaine avait passé une enfance douloureuse à voir son propre père s’occuper plus d’un étranger que de lui-même.
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MessageSujet: Re: Les anges ne naissent pas au Paradis   Les anges ne naissent pas au Paradis EmptyLun 18 Fév 2008, 16:51

- 3 -


Devant le château des Lecram un groupe de personnes se disputaient violement. Ils étaient neuf jeunes gens. D’un coté soutenu par Raphaël, se trouvait un homme blond aux yeux bleus au charisme incroyable qui semblait fait que de douceur malgré les mots violents sortant de ses lèvres alors qu’il invectivait les autres garçons. Derrière eux se tenait Prune, accompagné de son cousin Yann et de son meilleur ami Paul.
Les quatre autres garçons étaient d’anciens camarades d’écoles de Raphaël et du blondinet charismatique qui se nommait Marcel Jones. Ils n’étaient pas fous de rages sans raisons : Marcel et Raphaël s’étaient absentés pendant des mois où ils avaient séjourné dans d’autres pays, les abandonnant dans la construction d’un projet important sur les recherches ADN porté par un groupe pharmaceutique dont le père de Raphaël était actionnaire.
- Vous finirez pas le payer ? Hurla un des garçons.
- Et comment ? Il n’a plus 13 ans, et je n’en ai plus 15.
- Je vais vous tuer !
- Voyons. Je suis riche. Je suis dans ma demeure, entouré par mes gardes du corps, et vous êtes quatre contre … Voyons, toute la maison ?
- Lâche !
- Non. Ce qui est lâche, expliqua calmement Raphaël. C’est d’avoir profité de mon absence pour abandonner un projet qu’on avait mit six ans à réaliser. Ce qui est lâche c’est d’avoir bu avant d’oser m’affronter. Et ce qui est encore plus lâche, c’est de s’en prendre à Marc …
- Il nous a lâché.
- Mijn god ! Il a créé ce projet ! Et vous êtes tous parties chaque été pendant qu’on travaillait dessus.
- Enfoiré !
- Ok. Nous en reparlerons quand vous serez sobres. Stéphane, occupes-toi d’eux, et veilles à ce qu’ils rentrent correctement. Je n’ai pas envie qu’on m’accuse du meurtre de quatre idiots.

Raphaël eut à peine terminé ses mots que son garde et ses camarades s’empressèrent d’obéir à ses ordres. Les jeunes se débattirent, insultant, se battant, mais personne ne s’en occupa. Ce n’était pas rare depuis le retour de Raphaël que des jeunes s’en prennent à lui : il avait quitter le village pour faire des études en Amérique et c’était très mal vu !
Profitant de cette sortie, Raphaël tira Marcel derrière le grillage et le fit asseoir de force sur le capot d’une décapotable rouge avant de s’emporter de nouveau comme il l’avait fait avec Prune.
- TU ES STUPIDE ! Dit-il sur un ton beaucoup moins calme en français. Ma famille te déteste, les voisins te détestent, ces personnes te détestent …
- Ralf, tu …
- LA FERME YANN. Aboya l’homme. Tu es … comment dit-on en français ? Merde ! Tu es inlogique !
- … Inconscient ? Murmura Marcel Jones qui regardait son ami sans broncher avec un sourire déconcertant. Je ne voulais pas t’inquiéter, Raphaël, je suis désolé.
- Raphaël !
- Quoi YANN ?
- S’il te plait. Ne cris pas. Ce n’est qu’un enfant, il a pensé bien faire.
- Un enfant ! On aura tout entendu !
- A 18 ans, on n’est qu’un enfant.

Le chirurgien grogna dans un argot néerlandais avant de faire signe qu’il ne souhaitait pas parlementer sur ce sujet. Son visage démontrait toute la froideur qu’un homme est capable de faire ressentir et gravement il abandonna ses amis pour retourner au bal. Ils le suivirent sans bruit, Prune effrayée par son agressivité pleurait, Marcel amusé de l’angoisse qu’on éprouvait à son égard tentait de la consoler mais la jeune fille était choquée par tant de violence de la même personne. Raphaël lui faisait peur par sa voix et ses attitudes.
Dans la salle de bal toutes les couleurs étaient feutrées. Les lumières tamisées permettaient aux convives de se sentir à l’aise sans craindre le regard trop curieux de certain. Raphaël ne navigua d’individu à personne, saluant chacun et posant des questions. Il était austère, froid, néanmoins poli et serviable et ne disait rien qui pourrait choquer les invités de son père. Il se dirigea vers une femme aux cheveux carmin entrelacés dans un chignon et à la robe de mousseline blanche. En le voyant, elle se précipita vers lui et l’homme eut un sourire chaleureux, et il se mit à chuchoter à son oreille.

Un bruit de verre cassé fit sursauter Prune qui regarda étonné son ami Marcel fixer avec une once de haine Raphaël et la jeune femme. Il murmura quelques mots menaçants en néerlandais, et se retournant vers sa compagne, il lui déclara d’une douce voix :
- Nous devrions nous amuser. Venez, je vais vous présenter à des cousins de Raphaël qui parlent le français.
- Mais …
- Qui y a t il ?
Prune sourit tendrement et accepta l’invitation. Ce ne fut pas le cas de Yann qui n’aimait pas parler, ni celui de Paul qui ne souhaitait pas rencontrer de cousin de Raphaël avant d’avoir bu assez de verres pour supporter leurs humeurs s’ils étaient comme le père et le fils.
Marcel était un jeune homme enthousiasme, heureux, et libertin. Il était le fils unique des Jones, né par incubation et mère porteuse. Dans le village on se moquait de lui en le disant génétiquement modifié. Il était ami avec Raphaël depuis sa plus tendre enfance, et les deux garçons avaient tous vécus ensemble malgré l’écart d’âge. Le fait que leurs fils s’entendent bien arrangeait particulièrement François Jones et R.H. Louis Duviel qui avaient ainsi fondé des bases de leur empire en commun sur cette amitié.
Avant la naissance des enfants, ils avaient même décidé que Marcel serait la fiancée de Raphaël. A l’époque, les médecins s’étaient trompés sur le sexe de l’enfant à cause de la pression qu’exerçaient les parents à un âge où le nourrisson n’avait pas encore était formé. La déception avait été grande lors de l’annonce de la triste nouvelle mais il avait bien fallu s’y résoudre. Le père de Marcel avait pendant longtemps pensé que son fils avait été un gaspillage d’argent et de temps : le prélèvement du sperme, des ovules de sa femme, l’achat et l’entretien d’une mère porteuse en plus de l’équipe scientifique et des différentes nourrices et précepteurs. Rapidement son avis avait changé et désormais son fils était devenu son Précieux fils.

Le cousin de Raphaël se nommait Dimitri, il était habillé d’un costume bleu marine sur mesure, et affichait un air supérieur qui dégoûta dès le premier instant Prune. Souvent les premières impressions sont trompeuses, et Prune le savait mais là ce ne fut pas le cas. Dimitri était un garçon arrogant, imbu de lui-même, persuadé que le monde dépendait de ses idées et que tout tournait autour de lui. Dès le début de ses phrases, Prune abandonna l’idée de l’écouter, et elle se contenta de sourire en observant la salle tout en répondant « oui » à toutes ses phrases. Bien qu’au même tempérament de Raphaël, il lui manquait à la forme de son discours, le fond que son cousin savait trouver.

La femme aux cheveux carmin tendit le bras vers Raphaël pour lui demander une danse qu’il accepta aussitôt. Un peu plus loin, Marcel se rapprocha d’une jeune femme blonde, se pencha vers elle pour discuter tranquillement. Dès les premiers mots, la petite ingénue rougit, montant son verre à ses lèvres maquillées d’un rose enfantin. Ce fut à cet instant que Raphaël cessa de danser. Sans mot dire, il traversa la salle abandonnant sa compagne qui ne s’en ému pas et il se saisit du bras de son ami qui le repoussa violemment.

Une dispute éclata entre les deux. Choses étranges personne n’y comprit rien. Néerlandais, français, anglais … Au fait, enfants, ils s’étaient inventés un langage bien à eux qu’ils utilisaient encore. C’était courant chez les jumeaux, bien moins chez les enfants de deux âges différents mais les parents avaient laissé faire.
Marc frappa du pied violement et s’apprêta à gifler son compagnon quand Louis et François firent signe de cesser la musique et s’approchèrent de leurs fils pour les obliger à venir près d’eux et de Levdokia qui eut un petit rire idiot qui détendit l’atmosphère.

- Mijn enig kind van …, dit calmement Louis en regardant ses convives.
- Enig ?, le coupa Raphaël en levant un sourcil.
- Ne commences pas. Répliqua aussitôt en français son père qui se remit à parler en néerlandais devant l’air noir de courroux de son fils.

Dans le silence de ce discours, Prune s’ennuyait. Elle ne comprenait pas un mot de néerlandais, et elle aurait volontiers échangé sa place avec celle de Yann qui était assez proche des petits fours et qui ne semblait pas en profiter. Elle, elle était simplement heureuse que pendant le monologue de Louis, Dimitri est finit par se taire.
C’est à ce moment précis qu’elle remarqua que Raphaël faisait des signes avec sa main. D’abord, il ramena des doigts vers lui, de tel sorte qu’ils formèrent un rond, puis il baissa tous les doigts, sauf le pouce et l’index qui se levèrent vers le ciel, le majeur encore visible. La jeune fille pensa à un lapin et se mit à rire sans rien comprendre.
En un instant un bruit épouvantable se fit entendre, et des cris terrifiés suivirent d’horribles bruissements et couinements. Prune baissa le regard en direction du sol, et pétrifiée, elle vit une multitude de petits rats blancs courir sur le sol, se faufilant entre les jambes des invités, et grimpants sur le vaisselier.
Une main saisit le poignet de la jeune fille, et avant qu’elle ne s’en soit rendue compte, Marcel l’avait entraîné au-dehors de la pièce. Prune eut juste le temps de voir la mariée évanouit sur le sol, Raphaël penché vers elle en vérifiant son pouls tandis que son père lui hurlait dessus en vociférant des menaces plus virulentes que les cris des invités paniqués.


Les anges ne naissent pas au Paradis Image3gn4
Figure 1 Signes fait par Raphaël



Raphaël après avoir vérifié que la mariée allait bien se releva. Il regarda la salle avec satisfaction, fier de son petit effet, tout aussi bien que de la colère de son paternel. Il ne l’écoutait pas, examinant la salle, voyant des hommes tentaient d’assommer les cobayes. Il éprouva une once de tristesse en voyant l’une d’elle se faire sauvagement écrasé par un homme et se dit que Marcel avait eut tord de ne pas l’autoriser à envoyer plutôt des insectes. Raphaël n’aimait pas qu’on fasse du mal à ses souris, mais tant pis ! C’était pour la bonne cause.
Il se stoppa étonné quand il vit l’un de ses invités français penchés sur le sol. L’autre, Paul Leblanc, était debout sur une table, les mains devant les yeux, cachant visiblement des larmes du à la phobies de toutes les créatures ne dépassant pas la tailles de vingt centimètres. Celui qui était penché, Yann Fourch, semblait très attentif au passage des petits albinos. Raphaël comprit qu’il ramassait les créatures, et les mettait dans son manteau. Il se rapprocha de lui. Yann le vit arriver mais il ne releva pas la tête, mettant simplement un doigt dans sa bouche venant de se faire mordre par un des rats.
- Qu’est-ce que tu fais ? Demanda Raphaël.
- …
- Je te parle.

Voyant le manque de réaction de son compagnon français, Raphaël le saisit par le bras et le secoua comme un prunier. Yann releva alors des yeux émeraude vers il, et sourit imperceptiblement.
- Je tente de les attraper.
- Pourquoi ?
- … Regarde. Ils sont en train de les tuer …
- De quoi ?
Yann soupira. Beaucoup d’invités s’étaient en effet mit à chasser les petites bêtes accompagnées par les employés des Duviels dont certains s’en donnaient à cœur joie. Voir toutes ses créatures mourir sans raison donnait la nausée à l’homme sensible qui ne comprenait pas qu’on puisse être aussi barbare.
- Ha … Réagit brutalement Raphaël. Il releva le visage vers Paul et demanda : et pour lui ?

Yann était un homme brun, de grande taille mais plus petit que Raphaël, plus mince. Il semblait fragile et son regard vert était le plus souvent vide d’expression et vide de sentiment. Il avait à son poignet des gourmettes, et une jolie montre grise, et il portait un costume gris, ainsi qu’une chemise blanche. Il se rapprocha de son ami Paul, et le prenant par la main, le fit descendre, le conduisant vers la sortie, cachant sous sa veste, trois pauvres rats orphelins.

Raphaël se rapprocha de son père. « Dis à tes employés de cesser de tuer mes rats ! » Louis eut un ricanement mauvais fixant son fils avec mépris :
- La faute à qui, mon fils ? Laissa tomber le père.
- Prends-les vivants ! … Regarde ce sang fait déjà tourner de l’œil la moitié de tes convives. Ta petite fête va tourner à ta défaveur !
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Sed Plume
Bourgeon Naissant
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MessageSujet: Re: Les anges ne naissent pas au Paradis   Les anges ne naissent pas au Paradis EmptyLun 18 Fév 2008, 18:46

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Trois jours s’étaient écoulés depuis l’accident des rats lors du bal d’anniversaire. Prune s’amusait énormément car elle découvrait des paysages et des mœurs qu’elle ne connaissait pas. Elle passait beaucoup de temps avec Dimitri, par obligation, mais également car le jeune homme la conduisait partout.
Un soir, où la jeune femme veillait tard pour parcourir les romans français de la bibliothèque du premier étage, elle entendit des bruits de pas. De peur qu’on ne la surprenne en pleine nuit à bouquiner sans autorisation, elle éteignit la lumière, et elle se cacha derrière un grand meuble en acajou.
La bibliothèque n’était pas un endroit spacieux. Les livres encombraient les tables étagères. La circulation était difficile, suffocante, et la lumière était basse dans le but de ne pas abîmer les ouvrages mais ne permettant pas particulièrement la lecture.

Deux paires de pas raisonnèrent dans le lieu, et une voix de femme s’envola, tel l’oiseau dans la forêt. Elle chuchota dans une langue que Prune ne comprenait pas. Une seconde voix douce tentait visiblement de la rassurer, en vue du ton de la voix. La femme semblait inquiète, presque paniquée.
Prune là où elle était ne pouvait voir les visages des deux protagonistes, elle avait l’impression de connaître les deux sans arriver à mettre un nom dessus. Elle ne su le noms de la femme qu’en l’entendant rouler les lettres : la femme russe ! Celle-là même qui venait de se marier avec le père de Raphaël : Levdokia.

- Comment comptez-vous faire ? Demanda-t-elle d’une voix fluette qui n’avait plus rien de stupide, ni d’embourgeoisé.
- Ne vous en faîtes pas. Ce qui doit être fait sera fait.
- J’ai tellement peur pour vous …, pardonnez-moi mais vous êtes tellement bon !
- Ne dites pas de telles idioties !

Prune écouta les voix sans arriver à discerner celle de l’homme trop basse. Les échos des pas disparurent, mais terrifiée, la jeune fille n’osa pas sortir. Depuis qu’elle était ici tout lui semblait tellement irréel : le village, le château, le mariage de cet homme, et maintenant les intrigues de cette femme. Devait-elle en parler à quelqu’un ? Oui ! Néanmoins à qui ? Et surtout comment interpréter ce qu’elle venait d’entendre. Cette femme russe à l’air si idiot d’habitude qui perdait brutalement ses airs de minettes et qui complotait dans la bibliothèque ressemblait affreusement aux méchantes dans les livres.
Perturbée, elle monta tout de même se coucher. Elle craignait de mal agir et elle avait besoin de reprendre ses esprits. Elle pensa qu’elle en parlerait à Raphaël, le lendemain, après avoir raccompagné Dimitri à l’aéroport.


Le matin du 13 Août, Raphaël s’était levé de bonne heure. Depuis une semaine, des invités à lui se trouvaient dans la demeure. Des français qu’il connaissait depuis un à deux ans, en fonction des individus, et qu’il avait invités dans des buts précis.
Ce matin-là, il se rendit compte qu’il ne s’était pas énormément consacré à eux. Il n’était pas sociable et n’aimait pas les discussions inutiles. Il n’avait donc pas eut l’idée de faire visiter le terrain à ses convives, ni à leurs montrer les beautés environnantes. Les domestiques s’étaient chargés de cette tâche, qu’il jugeait fastidieuse.
Ils étaient trois invités. Prune une fillette de dix-sept qui ressemblait à une enfant et qu’il nommait la petite. Son cousin Yann, un brun aux yeux verts, séduisant mais affreusement triste. Paul, le meilleur ami de Prune, et également un grand artiste qui n’osait pas montrer ses dessins, et qui avait d’autres talents, dans le chant et dans la comédie. Ce dernier était le moins lié à Raphaël qui ne pourrait pas sincèrement le qualifié d’ami.

Bien décidé à se racheter, l’hollandais demanda à ses employés de faire venir ses invités dans son petit salon qui se trouvait au second et dernier étage.

Au bout d’un quart d’heure, ils revinrent ennuyés.
- Nous sommes désolés, monsieur, mais mademoiselle Veervanspel est partie ce matin avec votre cousin Dimitri afin de saluer son départ et de visiter les environs. Monsieur Leblanc s’est également absenté, sans le signaler, il semblerait qu’il soit parti avec des affaires de dessins en direction de la forêt, voulez-vous que nous le rattrapions ?
- Ce ne serra pas la peine. Et Yann ?
- Monsieur Fourch se fait excuser, il ne se sent pas bien et désire rester dans ses appartements.
- Qu’a-t-il ?
- Je ne sais pas, monsieur.
Raphaël remercia les jeunes gens et quitta son salon pour rejoindre son père avec qui il resta une heure. Ils parlèrent d’une affaire importante concernant la possibilité d’acheter une usine de produits pharmaceutiques en dérive. Puis il alla déjeuner au rez-de-chaussée. Seul. Il en profita pour écouter les employés qui parlaient en râlant des invités du mariage qui étaient encore là et qui comptaient squatter un peu plus longtemps, dans l’espoir de signer un contrat.
Quand la matinée fut bien allongée, Raphaël se rendit dans la chambre du second étage où on avait installé son ami Yann. Il toqua et attendit. N’entendant pas de réponse, il ouvrit la porte, et regarda dans le boudoir avant de rentrer directement dans la spacieuse pièce qui servait de chambre à coucher. C’était son ancienne chambre d’enfant, et rien n’avait changé depuis qu’il l’avait quitté à l’âge de quinze ans.
Rien ne le laissait supposer de l’existence de quelqu’un dans le lieu. A part le lit défait, la valise de Yann avait été soigneusement rangée, la table de chevet ne comportait aucune trace de passage, et la pièce était aussi silencieuse que le lit d’un mort. Raphaël s’apprêtait à faire demi-tour quand il remarqua une forme enfouie derrière l’un des gros placards.
Il s’en approcha et trouva Yann, à moitié caché par une couverture, en train de lire un cahier de notes.

Raphaël avait cru y voir un livre mais en se rapprochant, il vit que ce n’était pas le cas. Ce carnet était un ouvrage qu’il tenait étant adolescent pour passer ses journées. Sa première réaction fut d’avoir honte que quelqu’un ait pu trouvé dans son ancienne chambre l’un de ses nombreux carnets rouges qu’il écrivait à l’époque. Ensuite, il fut en colère que son ami puisse ainsi lire son journal intime mais, en se rapprochant de Yannick, il se rendit compte que celui-ci avait un visage plus triste qu’à son habitude.

- La vie ne sert à rien, se mit à lire Yann sentant la présence à coté de lui, Elle ne sert pas à vivre. Je voudrais ne pas en avoir eut. Je voudrais n’être jamais né. Etre un robot. Pas pour la vie, je pourrais être cassé. Je pourrais être jeté. Cela sera moins douloureux. A quoi bon m’avoir fait humain si c’est être un robot qui serra son image et son double ? A quoi bon m’avoir fait avec un cœur si je ne dois pas sentir les battements qui y dansent ? Je finirais pas devenir un robot. Je finirais par ne plus sentir mon cœur et par ne plus avoir peur de lui. Je suis un homme ! Un homme ne pleure pas. Un homme n’a peur de rien !
- C’est moi qui écris cela ? Questionna Raphaël. J’étais vraiment un adolescent sans scrupule.
- On n’est pas adolescent à 8 ans …, remarqua simplement Yann qui avait lu l’année du carnet. On n’est pas vieux à 25 ans …
- Tu n’es donc pas malade. Je croyais qu’on ne devait jamais mentir ?
- On ne doit jamais mentir.
- Tu l’as pourtant fait.
- Quand j’étais un enfant, le coupa Yann, je me disais souvent que j’aimerais être un robot. Je ne suis pas né dans une famille riche, elle est loin d’être pauvre, mais je vivais différemment. Pourtant, tu me fais penser à moi, un village, des idées, un père et …
- Je suis le plus vieux.
- Je sais. Je voulais ne plus avoir d’émotions, et ne plus rien ressentir. Seulement ça n’a jamais marché, je les cache, je ne sais pas les montrer, mais j’ai un cœur …. Et tout danse encore. Tu es comme moi. » Souffla Yann. « Tu as encore des émotions …. » Il se stoppa et reprit sur une voix un peu plus haute : « Elle s’est infectée. La plaie … »

Sous les yeux de Raphaël et sa demande d’explication, Yann se releva avec une grimace de douleur, et il retira son vêtement gris. Il laissa ainsi apparaître sa peau fine, et une large marque sur le torse. Cette coupure profonde était d’un noire virant légèrement au bleu carmin dans les contours. Ce n’était pas la seule blessure sur le torse de l’homme, des dizaines de bleus et de petites égratignures étaient visibles datant de plus d’une semaine. Raphaël aurait volontiers hurlé sur son compagnon comme il s’était emporté sur Marcel peu de jour auparavant, mais la blancheur de son visage, laissait supposer que la douceur était déjà assez insoutenable pour devoir de plus supporter un sermon qui serait sortit, par habitude, en flamand, langue que Yann ne comprenait pas.
- Comment t’es-tu fait ça ?
- … Ca fait mal.
- Yann !
- …Les feuilles tombent loin des arbres au contraire des fruits, non ? A moins que le fruit roule … peut-être. La feuille ira toujours plus loin. Sauf si le vent n’est pas avec elle … Mais le vent est toujours avec moi.
- Je ne comprends rien à ce que tu dis.
- Pardon. Tu me soignes ?
- Je n’ai pas le choix.


Quelques minutes plus tard, Raphaël qui avait quitté la pièce pour aller chercher une trousse à pharmacie revint et commença lentement à soigner le torse de son ami qui fermait les yeux sous la souffrance. Ce fut quelques heures longues et douloureuses pour les deux. Malgré son regard froid et dur, Raphaël ne supportait pas de voir le français gémir, souffrant à chaque contact. Le français quand à lui avait honte d’avoir du demander de l’aide à cet homme impressionnant.
- Dis-le moi maintenant. Reprit Raphaël en terminant le travail.
- Dire quoi ? Demanda Yann qui tenta de mettre un tee-shirt mais qui du y renoncer à cause de la douleur.
- Yann …, n’es-tu pas mon ami ?
- Je le suis.
- Alors, dis-moi.
- Tu es injuste Raphaël. Tu as bien plus de secrets que moi, et tu refuses de me parler. Pourquoi devrais-je me confier à toi ?
- Car je le veux.

Yann sourit en pensant que Raphaël était ce genre d’être détestable qui pense avoir tout ce qu’il voulait. Il haussa des épaules et finit par acquieser lentement :
- Tu sais ce que veux dire : àrschgeijer ?
- Non. C’est du français ?
- Presque. De l’alsacien. Les alsaciens sont français mais ils aiment ne pas y penser. Ils ont leurs cultures, leurs lois, leurs vies …. Leurs villages comme ici.
- Tu es alsacien ?
- Oui. Je suis né près d’Altkirch. C’est beau là-bas. Je vous y emmènerais, toi et Marcel, un jour. C’est là où j’ai rencontré ma prune et mon petit Paul. C’est là qu’on s’est connu, j’avais … 13 ans, je croie.
- Je ne comprends pas, Yann, le rapport entre l’Alsace, l’àrschgeijer et les blessures …
- Je suis fatigué. Remarque Yann. Nous parlerons plus tard. Allons d’abord voir si Prune est revenue.
- Tu dois te reposer. Nous verrons ensuite, ce que nous ferrons.




Elle court. Vite ! Encore plus vite. L’ombre tombe lourdement, et en se relevant, la peau de ses mains se déchirent, se coupent. Elles se relèvent encore. Tourne le visage en arrière.
Il approche. Il est là. Elle le sent. Qu’elle ne pourra pas lui échapper.

Un morceau de satin s’accroche à une branche d’arbre. La femme pousse un hurlement de terreur.

Et.

Le corps s’effondre sur le sol.

Le souffle est court, haletant.
Il est là. C’est trop tard. Sa main va vers son cou gracile.

Elle gémit. Elle se débat.

Elle est morte.




Yann se réveilla en sursaut. Il regarda l’heure indiqué par sa montre. Il était pratiquement vingt heures. Il n’aurait pas du passé l’après-midi à dormir, il le savait. Maintenant, il n’aurait plus envie de dormir cette nuit, et cela allait perturber son sommeil futur.
Le garçon descendit de son lit et quitta sa chambre sans prendre le temps de se changer. Il voulait savoir si sa cousine était bien rentrée et si le cousin de Raphaël, dont il ne se souvenait plus du nom, n’avait pas trop prit ses aises avec elle en lui sapant le moral : Prune semblait déjà assez mal le matin même.

En arrivant dans le grand salon, Yann vit immédiatement que quelque chose n’allait pas. Des agents en uniformes discutaient à voix basse avec Charles, Henri, et Raphaël. Les trois générations de Duviel avaient le même regard noir et dur et semblaient soudain faire ressortir la même énergie mauvaise. Quand les agents virent Yann, ils se rapprochèrent de lui. Le plus jeune, un trentenaire, qui avait apprit le français à l’école, demanda :

« - Monsieur. Pourriez-vous nous suivre, s’il vous plait. »
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